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à Gao et continue avec la moto jusqu’au Congo où je la revends, me permettant d’acheter un billet d’avion et de m’envoler vers le Brésil. Je suis enfin bien parti pour réaliser mon rêve d’adolescent, réaliser MON tour du monde. Il me prendra deux ans et demi.
Les années se sont écoulées mais je n’ai pas oublié le Mali, en 2005, avec un groupe d’amis, nous créons l’association ETAR dont les buts sont de créer des liens avec le village d’Aguel’hoc, aider la scolarité, le maraîchage et ouvrir un centre culturel avec bibliothèque, centre informatique, artisanat. Il y a un an, l’idée me prend de rassembler des archives pour l’Adrar des Ifoghas. Je fouille partout, aux archives militaires de Vincennes, d’Outre-mer à Aix-en-Provence, j’espère même un jour aller à Dakar où sont conservés de nombreux documents concernant le Soudan. Je cherche aussi sur Internet, les associations, les particuliers, les anciens méharistes, toutes les pistes sont bonnes pour mener à bien mon projet. Je collecte tout ce qui concerne la région, livres anciens, photos, enregistrements audio, films, documents administratifs militaires et civils.
A Vincennes, j’ai la chance de trouver le compte-rendu de la traversée du Sahara qu’effectua en 1926 le lieutenant méhariste Philippe de KERVILER. Après un séjour de trois ans passés au Soudan, il décide de prendre un congé sans solde pour traverser le Sahara par le Tanezrouft et l’Adrar des Ifoghas pendant les mois de juillet et d’août avec une voiture d’occasion. Un peu inconscient, beaucoup chanceux, mais surtout courageux et téméraire, il sera le premier à traverser en été et prouvera à Renault et Citroën, qui ne l’avaient pas osé, qu’une voiture de série, sans aménagement spécial pouvait faire cette traversée pendant les mois de grosses chaleurs.
En 1926 il entame des démarches auprès des constructeurs pour qu’on lui fournisse une automobile, aucun n’accepte Auprès des établissements Burnouf à Cherbourg il achète une Citroën Torpédo 10 CV de type B2, une occasion de 1923. Je connais cette piste pour l’avoir traversée
plusieurs
plusieurs fois avec des Peugeot 504 et 404, tellement plus puissantes et confortables qu’une voiture de cette époque. Je me rends compte des difficultés qu’il dût affronter, le courage qu’il lui fallut, pour traverser cette immensité désertique sans possibilité d’être secouru. A travers cet article c’est un peu un hommage que je veux rendre à Philippe de Kerviler et à son compagnon de route. Si l’on connaît les croisières Citroën, Renault, la Compagnie Générale Transsaharienne, la famille ESTIENNE, le nom de Kerviler n’apparaît nulle part. Aujourd’hui, cet homme dont l’exploit est demeuré inconnu rigolerait bien de ces chauffeurs de 4X4 aux carrosseries rutilantes. Tous les jours, des chauffeurs de camions traversent le désert, parlent-ils d’aventures pour autant ? Le mot aventure est devenu complètement galvaudé, des acteurs de cinéma l’utilisent parfois pour raconter leurs tournages dans des conditions pourtant si confortables. Chez mon ami Solo à Aguel’hoc, j’ai beaucoup discuté avec un propriétaire de camion qui partait du Mali avec son semi-remorque, partait en
 

Libye, achetait des télévisions et autres marchandises, revendait tout cela en Algérie contre des dinars, avec lesquels il achetait du sucre, du thé qu’il revendait ensuite au Mali en devises, tous ces voyages bien sûr dans la plus grande clandestinité. Un jour, sans rien dire, il repartait comme un mirage. Il ne m’a jamais prononcé le mot aventure pour lui c’était juste un commerce.

De Kerviler désire prouver aux constructeurs et à l’armée que la traversée du Sahara est possible avec une voiture de série ; même en été. Novembre 1925 Philippe de Kerviler vient de rentrer en France après un séjour de 41 mois en AOF dont 36 dans le Nord du Soudan. Pendant le commandement de sa section méhariste, il a eu la possibilité de voir toutes les missions automobiles transsahariennes. Il fut membre des commissions chargées d’examiner, en 1922 à Tombouctou, le rendement des voitures Citroën à chenilles. Dès son retour en France, il décide de résoudre les questions qu’il se posait en Afrique, à savoir :
_ 1° Une voiture spéciale à grande surface du système moteur-chenilles-six-roues jumelées est-elle indispensable ?
_ 2° Les voitures spéciales employées étant toutes extrêmement lourdes, ne peut-on employer des voitures plus légères de manière à favoriser le roulement sur un terrain assez mou ?

_ 3° Une voiture automobile légère et de faible puissance peut-elle porter un ravitaillement suffisant pour avoir un rayon d’action étendu ? (500 Km par exemple, ce qui correspond à un parcours de 1000 Km)