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_ 4° Une voiture quelconque peut-elle faire le trajet en toute saison, seule la saison froide ayant été utilisée jusqu’ici ? Le moteur et les caoutchoucs peuvent-ils résister à la chaleur excessive de la saison d’été ?
En résumé le problème est de savoir si, dans l’état actuel des choses, l’automobile peut entrer au Sahara dans le domaine de la pratique, et dans quelles conditions, le pire étant envisagé, une voiture quelconque peut arriver d’Algérie au Niger.
Se trouvant en garnison au 1er R.I.C. à CHERBOURG, il achète le 28 mai 1926 une voiture 10 CV Citroën d’occasion (d’occasion, non seulement pour mettre les choses au pire, mais aussi parce qu’il ne dispose que de capitaux limités, il doit faire attention à la moindre dépense) et il demande un congé sans solde de trois ans.
A la voiture, il adjoint une petite remorque modèle Citroën 300 Kg. Le 24 juin il est 7 heures du matin quand il quitte Cherbourg seul, sans aucune préparation sur la route qu’il doit suivre. Craignant que certaines personnes ne considèrent son projet comme une folie et ne se liguent pour l’empêcher de partir, il préfère n’avertir que quelques proches et son garagiste.

Les renseignements qu’il a en sa possession dans son rapport sont les suivants :

_ 1° La piste était très praticable d’Oran à Colomb-Béchar (735 Kms.)
_ 2° Une piste comportant quelques passages assez pénibles existait entre Colomb-Béchar et Zaouiet-Reggan, dernière Oasis du Touat (700 Kms, environ).
_ 3° Les traces des missions précédentes existaient encore de Zaouiet-Reggan à Tessalit, premier puits du Soudan (1000 Kms environ)
_ 4° Après Tessalit, les tornades et la végétation ayant effacé toute trace de piste, je devrai me fier à ma connaissance du pays (500 Kms environ).
_ 5° J’aurai des points d’eau distants de 200 Kms au maximum entre Colomb-Béchar et Zaouiet-Reggan.
_ 6° Entre Zaouiet-Reggan et Tessalit, je ne trouverai qu’un seul point d’eau à Ouallen, pouvant contenir en tout 500 litres d’eau (Zaouiet-Reggan à Ouallen : 400 Kms Ouallen-Tessalit 600 Kms.)
_ 7° Je trouverai soit des puits, soit des mares, entre Tessalit et le Niger (saison des tornades)
_ 8° Les postes de Tessalit et de Tabankort ayant été supprimés en août 1925, je ne dois pas compter dessus.
_ 9° Le puits de Tessalit sera néanmoins occupé par des arabes du marabout Baya, pour la cueillette des dattes.
_ 10° Un gros dépôt d’essence existe à Ouallen et je pourrai m’y ravitailler dans une certaine mesure.
_ 11° Un guide ne me sera pas indispensable à partir de Tessalit, ma connaissance des mœurs et de la langue touarègue étant largement suffisante.

Comme documents, il n’emporte pas grand-chose : une carte Taride de l’Algérie du Nord, la carte provisoire du sud de l’Algérie, la carte Meunier de la partie nord de l’Afrique et le seul livre qui lui parait fiable « A la recherche du grand axe » de Gaston Gradis. A Colomb-Béchar, un membre de la compagnie Générale Transsaharienne lui offre une boussole Peigne. Il se servira des traces laissées par les expéditions précédentes, mais la boussole lui rendra de grands services entre Tessalit et Bourem.
La voiture roule à une vitesse maximum de 70 Km/h autant dire que les journées de conduite sont longues. 33 heures de conduite du 24 au 26 juin pour relier Cherbourg à Port-Vendres, il y arrive à 7h30, embarque à 8 heures sur le vapeur « Mustapha » qui largue ses amarres à 10 heures.
Il arrive à Oran l’après-midi du 29 juin : débarquement de la voiture, une journée de repos et départ le 2 juillet. Les routes en Algérie sont bonnes en général, tout se passe le plus merveilleusement du monde. Le voyage, ce sont des rencontres et du hasard… al-zahr ne veut-il pas dire « dés » en arabe ? A Méchéria, dans le garage où il fait le plein d’essence, c’est un joli coup de dés que de rencontrer le mécanicien LALLEMAND. On peut imaginer la scène « Vous allez loin avec votre automobile ? » « Au Soudan » « Au Soudan ! Et vous n’auriez pas besoin d’un mécano PAR HASARD ?» « Pourquoi pas ! ». Une heure plus tard, ils partent ensemble, c’est si simple parfois de voyager ! Une forte présomption qu’il soit ainsi le premier auto-stoppeur transsaharien !
Un coup de siroco juste avant Colomb-Béchar les oblige à s’arrêter, du coup, ils n’y arrivent que le matin du 3 juillet. Selon le rapport de Philippe de

Kerviler, à part le passage d’un col dans les Monts des Ksours, la route est très bonne. Pendant 13 jours, du 4 au 17 juillet, ils préparent, renforcent la voiture et font des essais. 350 litres d’essence sont répartis en 7 bidons de 50 litres. Le carburant, c’est important, mais, comme